La vie du sol

21/12/2020

Lorsqu’on parle de vie du sol, le premier être vivant qui nous vient à l’esprit est souvent le ver de terre. Et c’est plutôt justifié puisqu’il représenterait 200 millions de tonnes de biomasse sur les 2,3 milliards de tonnes que constitue la biomasse animale sur Terre. En d’autres termes, les vers de terre représentent plus de 8% du poids des animaux sur Terre !

Cela dit, il ne faut pas oublier que les animaux ne sont pas les seuls à occuper le sol et sont même minoritaires : champignons et bactéries sont très présents dans un sol vivant. Quelques chiffres là encore : dans 1g de terre végétalisée se trouveraient entre 100 millions et 1 milliards de bactéries et selon certaines sources près de 4km d’hyphes ! (Les hyphes sont les filaments sous-terrains qui constituent l’appareil végétatif des champignons : en réalité, ce que l’on appelle communément un champignon (avec un pied et un chapeau) n’est que l’appareil reproductif du champignon et n’est donc que la partie émergée de l’iceberg.)

Les vers de terre

Revenons aux vers de terre.

Il y d’abord les vers endogés : ils creusent des galeries horizontales sous terre et ils ne sont donc jamais visibles (à moins de retourner la terre !). Puisqu’ils vivent relativement en profondeur, ils se nourissent logiquement de matière déjà assez décomposée.

Il y a ensuite les vers épigés, qui vivent dans les premiers centimètres de sols et qui au contraire vont donc se nourrir de matière organique relativement fraîche : ce sont ceux qu’on appelle aussi « lombricomposteurs ».

Il y a enfin les vers anéciques, qui avec leurs muscles plus puissants que les autres, peuvent creuser des galeries verticales. Ils montent en surface la nuit et entraînent la matière organique dans leurs galeries lorsqu’ils redescendent plus en profondeur. Ce sont eux qui produisent les turricules que l’on observe en grand nombre dans un sol bien vivant.

Turricules de vers anéciques, preuve d’un sol bien vivant

Les rôles de ces vers sont multiples : décomposer la matière organique, aérer le sol, faciliter l’écoulement des eaux de pluies (il a été démontré que le sol peut absorber jusqu’à 40 fois plus d’eau en présence de vers que sans ver !), déplacer/remonter les éléments nutritifs, enrichir le sol (les turricules sont riches en azote, en phosphore et en bactéries : il s’agit d’un très bon sol !)

Les bactéries

Les bactéries ont également un rôle de décomposition de matière organique. Elles savent notamment très bien décomposer la cellulose.

Elles se divisent en deux groupes : les bactéries aérobies et les bactéries anaérobies. Comme leur nom l’indique, les premières ont besoin d’air pour se développer alors que les secondes se développent au contraire majoritairement en l’absence d’air. Les bactéries utiles pour les plantes sont principalement les bactéries aérobies et c’est pour cette raison qu’elles sont plus nombreuses et que les plantes se développent donc mieux dans un sol aéré (par exemple par des vers de terre : la nature est bien faite !).

Les bactéries jouent plusieurs rôles : elles libèrent les minéraux en décomposant la matière morte, fixent l’azote atmosphérique (pour rappel, les plantes ont besoin d’azote mais ne savent pas l’utiliser sous sa forme atmosphérique mais uniquement sous forme de nitrate ou d’ammonium, cf l’article consacré aux nutriments). Elles produisent également des glus qui vont rendre le sol plus léger en agglomérant les particules du sol et en l’aérant.

À savoir également, elles sont sensibles aux conditions du milieu : à basse température ou si le sol est trop acide, leur multiplication sera grandement réduite. Ce qui explique que certaines d’entre elles s’associent à certaines plantes : les espèces fixatrices d’azote. La plante leur fournit un milieu propice et obtiennent en échange de l’azote sous une forme qu’elles savent assimiler.

Les champignons

Les champignons, comme les bactéries, sont capables de décomposer la matière organique. Un peu moins efficace que celles-ci pour décomposer la cellulose, ils ont par contre une capacité qu’elles n’ont pas : décomposer la lignine, le constituant du bois. Par ailleurs, contrairement aux bactéries, ils se développent mieux dans les sols acides et à basses températures.

Les champignons ont droit, eux aussi, à leurs différentes catégories :

Un coprin chevelu, décomposeur secondaire

Parlons plus longuement des champignons mycorhiziens. Ils forment une symbiose avec les racines des végétaux. La majorité des plantes sont mycorhizées et ce n’est pas tout récent puisque les premières plantes terrestres n’avaient pas de racines et vivaient donc uniquement grâce aux mycorhizes !

Comme toute symbiose, il s’agit d’une relation gagnant-gagnant : la plante, en échange de matière organique qu’elle donne au champignon, va bénéficier de son réseau d’hyphes capable d’extraire l’eau et les minéraux bien mieux que ses propres racines. Certaines études montrent que les mycorhizes permettent même aux plantes de communiquer pour prévenir leurs semblables lorsqu’elles sont attaquées afin que les plantes alentours puissent se protéger !

Ainsi, les champignons ont plusieurs rôles également : décomposer la matière organique et notamment la lignine qu’ils sont les seuls à pouvoir recycler, extraire les minéraux et l’eau et partager tout ça avec les plantes et peut-être même leur permettre de communiquer entre elles ! Par ailleurs, de par leur capacité de synthèse de différentes molécules, les champignons pourraient également protéger les plantes de certains parasites.

Conclusion

J’ai parlé majoritairement des vers de terre, des bactéries et des champignons mais bien d’autres formes de vie jouent un rôle important pour le sol : la taupe et le campagnols qui creusent des galeries et qui aérent donc le sol, les fourmis qui le font également à une autre échelle, les larves d’autres insectes, les myriapodes (communément appelés mille-pattes), les acariens, les collemboles, les protozoaires, les nématodes, etc. Un sol bien traité foisonne de vie.